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Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/44

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reste, c’est de reprendre la diligence et de s’en retourner, hébété ou désespéré, dans sa ville de province, et bien heureux encore si là, à force de complaisances et d’humiliations, il parvient à souffler quelques pratiques de contredanses à des artistes antérieurement établis, et si, par égard pour sa moralité et sa bonne conduite, de bons bourgeois consentent à l’inviter à dîner et le font asseoir au bas-bout de la table, sous condition expresse toutefois qu’après dessert il régalera d’un petit air la gracieuse compagnie.

Vous croyez peut-être que je vous dépeins là un être de raison, un type abstrait, fantastique et imaginaire… Hélas ! non. Ce jeune homme, c’est vingt, cent, mille jeunes gens que vous avez rencontrés et coudoyés comme moi ; c’est toute une classe, c’est l’exécutant.

Voyez maintenant cet athlète infatigable, toujours debout, toujours militant, voyez Berlioz ! Berlioz, le lauréat de l’école royale de musique ; Berlioz qui, avec deux symphonies, deux poèmes gigantesques, a mis en émoi tout Paris, artistes et artisans, dilettanti et connaisseurs ; Berlioz, homme de génie[1], homme populaire (et qui cependant restera toujours supérieur à sa popularité) ; Berlioz, l’artiste nouveau par excellence, le musicien du canon de juillet et de la France.

  1. Je me plais à rappeler ici cette épithète jointe au nom de mon ami dans un article du dernier numéro de la Revue des Deux Mondes, signé par une femme célèbre, G. Sand (note de Liszt).