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Page:Locke - Du gouvernement civil, 1795.djvu/346

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Du Gouvernement Civil,

quillement toutes choses, pour l’amour de la paix, à ceux qui voudroient leur faire violence, hélas ! quelle sorte de paix il y aurait dans le monde ! quelle sorte de paix seroit celle-là, qui consisteroit uniquement dans la violence et dans la rapine, et qu’il ne seroit à propos de maintenir que pour l’avantage des voleurs et de ceux qui se plaisent à opprimer ! Cette paix, qu’il y auroit entre les grands et les petits, entre les puissans et les foibles, seroit semblable à celle qu’on prétendroit y avoir entre des loups et des agneaux, lorsque les agneaux se laisseroient déchirer et dévorer paisiblement par les loups. Ou, si l’on veut, considérons la caverne de Polyphème comme un modèle parfait d’une paix semblable. Ce gouvernement, auquel Ulysse et ses compagnons se trouvoient soumis, étoit le plus agréable du monde ; ils n’y avoient autre chose à faire, qu’à souffrir avec quiétude qu’on les dévorât. Et qui doute qu’Ulysse, qui étoit un personnage si prudent, ne prêchât alors l’obéissance passive et n’exhortât à une soumission entière, en représentant à ses compagnons combien la paix est importante et nécessaire aux hommes, et leur faisant voir les inconvéniens qui