Aller au contenu

Page:Locke - Essai sur l’entendement humain.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
96
Autres Conſiderations ſur les Idées ſimples. Liv. II.

le Soleil, mais comme des effets de puiſſance qu’il a d’amollir & de blanchir. Cependant à bien conſiderer la choſe, ces qualitez de lumiére & de chaleur qui ſont des perceptions en moi lors que je ſuis échauffé ou éclairé par le Soleil, ne ſont point dans le Soleil d’une autre maniére que les changemens produits dans la Cire lorſqu’elle eſt blanchie ou fonduë, ſont dans cet Aſtre. Dans le Soleil, les unes & les autres ſont également des Puiſſances qui dépendent de ſes prémiéres Qualitez, par leſquelles il eſt capable, dans le prémier cas, d’alterer en telle ſorte la groſſeur, la figure, la contexture ou le mouvement de quelques-unes des parties inſenſibles de mes yeux ou de mes mains, qu’il produit en moi, par ce moyen, des idées de lumiére ou de chaleur ; & dans le ſecond cas, de changer de telle maniére la groſſeur, la figure, la contexture & le mouvement de parties inſenſibles de la Cire, qu’elles deviennent propres à exciter en moi les idées diſtinctes du Blanc & du Fluide.

§. 25. La raiſon pourquoi les unes ſont regardées communément comme Qualitez réelles, & les autres comme de ſimples puiſſances, c’eſt apparemment parce que les idées que nous avons des Couleurs, des Sons, &c. ne contenant rien en elles-mêmes qui tienne de la groſſeur, figure, & mouvement des parties de quelque Corps, nous ne ſommes point portez à croire que ce ſoient des effets de ces prémieres Qualitez, qui ne paroiſſent point à nos Sens comme ayant part à leur production, & avec qui ces Idées n’ont effectivement aucun rapport apparent, ni aucune liaiſon concevable. De là vient que nous avons tant de penchant à nous figurer que ce ſont des reſſemblances de quelque choſe qui exiſte réellement dans les Objets mêmes : parce que nous ne ſaurions découvrir par les Sens, que la groſſeur, la figure ou le mouvement des parties contribuent à leur production ; & que d’ailleurs la Raiſon ne peut faire voir comment le Corps peuvent produire dans l’Eſprit les idées du Bleu, ou du Jaune, &c. par le moyen de la groſſeur, figure, & mouvement de leurs parties. Au contraire, dans l’autre cas, je veux dire dans les opérations d’un Corps ſur un autre Corps, dont ils altèrent les Qualitez, nous voyons clairement que la Qualité qui eſt produite par ce changement, n’a ordinairement aucune reſſemblance avec quoi que ce ſoit qui exiſte dans le Corps qui vient de produire cette nouvelle qualité. C’eſt pourquoi nous le regardons comme un pur effet de la puiſſance qu’un Corps a ſur un autre Corps. Car bien qu’en recevant du Soleil l’idée de la chaleur, ou de la lumiére, nous ſoyons portez à croire que c’eſt une perception & une reſſemblance d’une pareille qualité qui exiſte dans le Soleil, cependant lorſque nous voyons que la Cire ou un beau viſage reçoivent du Soleil un changement de couleur, nous ne ſaurions nous figurer, que ce ſoit une émanation, ou reſſemblance d’une pareille choſe qui ſoit actuellement dans le Soleil, parce que nous ne trouvons point ces différentes couleurs dans le Soleil même. Comme nos Sens ſont capables de remarquer la reſſemblance ou la diſſemblance des qualitez ſenſibles qui ſont dans deux différens Objets extérieurs, nous ne faiſons pas difficulté de conclurre, que la production de quelque qualité ſenſible dans un ſujet, n’eſt que l’effet d’une certaine puiſſance, & non la communication d’une qualité qui exiſte