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Page:Locke - Essai sur l’entendement humain.djvu/276

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des Subſtances. Liv. II.

du Fer, d’un Homme, du Vitriol, du Pain, &c. que celle que nous avons des Qualitez ſenſibles que nous ſuppoſons jointes enſemble par le moyen d’un certain Sujet qui ſert, pour ainſi dire, de ** Subſtratum. ſoûtien à ces Qualitez ou Idées ſimples qu’on a obſervé exiſter jointes enſemble. Ainſi, qu’eſt-ce que le Soleil, ſinon un aſſemblage de ces differentes idées ſimples, la lumière, la chaleur, la rondeur, un mouvement conſtant & régulier qui eſt à une certaine diſtance de nous, & peut-être quelques autres, ſelon que celui qui reflêchit ſur le Soleil ou qui en parle, a été plus ou moins exact à obſerver les Qualitez, Idées, ou Proprietez ſenſibles qui ſont dans ce qu’il nomme Soleil ?

§. 7.Les Puiſſances ſont une grande partie de nos Idées complexes des Subſtances. Car celui-là a l’idée la plus parfaite de quelque Subſtance particulière qui a joint & raſſemblé un plus grand nombre d’Idées ſimples qui exiſtent dans cette Subſtance, parmi lesquelles il faut compter ſes Puiſſances actives & ſes capacitez paſſives, qui, à parler exactement, ne ſont pas des Idées ſimples, mais qu’on peut pourtant mettre ici aſſez commodément dans ce rang-là, pour abreger. Ainſi, la puiſſance d’attirer le Fer eſt une des Idées de la Subſtance que nous nommons Aimant ; & la puiſſance d’être ainſi attiré, fait partie de l’idée complexe que nous nommons Fer : deux ſortes de Puiſſances qui paſſent pour autant de Qualitez inhérentes dans l’Aimant, & dans le Fer. Car chaque Subſtance étant auſſi propre à changer certaines Qualitez ſenſibles dans d’autres ſujets par le moyen de diverſes Puiſſances qu’on y obſerve, qu’elle eſt capable d’exciter en nous les idées ſimples que nous en recevons immédiatement, elle nous fait voir par le moyen de ces nouvelles Qualitez ſenſibles produites dans d’autres ſujets, ces ſortes de Puiſſances qui par-là frappent médiatement nos Sens, & cela d’une maniére auſſi reguliére que les Qualitez ſenſibles de cette Subſtance, lorsqu’elles agiſſent immédiatement ſur nous. Dans le Feu, par exemple, nous y appercevons immédiatement, par le moyen des Sens, de la chaleur & de la couleur, qui, à bien conſiderer la choſe, ne ſont dans le Feu, que des Puiſſances de produire ces Idées en nous. De même, nous appercevons par nos Sens la couleur & la friabilité du Charbon, par où nous venons à connoître une autre Puiſſance du Feu qui conſiſte à changer la couleur & la conſiſtence du Bois. Ces différentes Puiſſances du Feu ſe découvrent à nous immédiatement dans le prémier cas, & médiatement dans le ſecond : c’eſt pourquoi nous les regardons comme faiſant partie des Qualitez du Feu, & par conſéquent, de l’idée complexe que nous nous formons. Car comme toutes ces Puiſſances que nous venons à connoître, ſe terminent uniquement à l’alteration qu’elles font de quelques Qualitez ſenſibles dans les ſujets ſur qui elles exercent leur opération, & qui par-là excitent de nouvelles idées ſenſibles en nous, je mets ces Puiſſances au nombre des Idées ſimples qui entrent dans la compoſition des eſpèces particuliéres des Subſtances, quoi que ces Puiſſances conſiderées en elles-mêmes ſoient effectivement des Idées complexes. Je prie mon Lecteur de m’accorder la liberté de m’exprimer ainſi, & de ſe ſouvenir de ne pas prendre mes paroles à la rigueur, lorsque je range quelqu’une de ces Potentialitez parmi les Idées ſimples que nous raſſemblons dans notre Eſprit, toutes les fois que nous venons