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Page:Locke - Essai sur l’entendement humain.djvu/598

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Des Dégrez d’Aſſentiment. Liv. IV.

communiquent auſſi à d’autres véritez qui ont beſoin d’une telle confirmation.

§. 14.Le ſimple Témoignage de la Revelation exclut tout doute, auſſi parfaitement que la Connoiſſance la plus certaine. Outre les Propoſitions dont nous avons parlé juſqu’ici, il y en a une autre Eſpèce qui fondée ſur un ſimple témoignage l’emporte ſur le dégré le plus parfait de notre Aſſentiment, ſoit que la choſe établie ſur ce témoignage convienne ou ne convienne point avec la commune Expérience, & avec le cours ordinaire des choſes. La raiſon de cela eſt que le témoignage de la part d’un Etre qui ne peut ni tromper ni être trompé, c’eſt-à-dire de Dieu lui-même ; ce qui emporte avec foi une aſſurance au deſſus de tout doute, & une évidence qui n’eſt ſujette à aucune exception. C’eſt là ce qu’on déſigne par le nom particulier de Revelation ; & l’aſſentiment que nous lui donnons s’appelle Foi, qui détermine auſſi abſolument notre Eſprit, & exclut auſſi parfaitement tout doute que notre Connoiſſance peut le faire ; car nous pouvons tout auſſi bien douter de notre propre exiſtence, que nous pouvons douter, ſi une Revelation qui vient de la part de Dieu, eſt véritable. Ainſi, la Foi eſt un Principe d’Aſſentiment & de certitude, ſûr, & établi ſur des fondemens inébranlables, & qui ne laiſſe aucun lieu au doute ou à l’heſitation. La ſeule choſe dont nous devons nous bien aſſûrer, c’eſt que telle & telle choſe eſt une Revelation divine, & que nous en comprenons le véritable ſens ; autrement, nous nous expoſerons à toutes les extravagances du Fanatiſme, & à toutes les erreurs que peuvent produire de faux Principes lors qu’on ajoûte foi à ce qui n’eſt pas une Revelation divine. C’eſt pourquoi dans ces cas-là, ſi nous voulons agir raiſonnablement, il ne faut pas que notre Aſſentiment ſurpaſſe le dégré d’évidence que nous avons, que ce qui en eſt l’objet eſt une Revelation divine, & que c’eſt là le ſens des termes par leſquels cette Revelation eſt exprimée. Si l’évidence que nous avons que c’eſt une Revelation, ou que c’en eſt là le vrai ſens, n’eſt que probable, notre Aſſentiment ne peut aller au delà de l’aſſûrance ou de la défiance que produit le plus ou le moins de la probabilité qui ſe trouve dans les Preuves. Mais je traiterai plus au long dans la ſuite, de la Foi & de la préſeance qu’elle doit avoir ſur les autres argumens propres à perſuader, lors que je la conſidererai telle qu’on la regarde ordinairement comme diſtinguée d’avec la Raiſon & miſe en oppoſition avec elle, quoi que dans le fond la Foi ne ſoit autre choſe qu’un Aſſentiment fondé ſur la Raiſon la plus parfaite.


CHAPITRE XVII.

De la Raiſon.


§. 1.Différentes ſignifications du mot Raiſon.
LE mot de Raiſon ſe prend en divers ſens. Quelquefois il ſignifie des Principes clairs & véritables, quelquefois des concluſions évidentes & nettement déduites de ces Principes, & quelquefois la cauſe, & particulierement la cauſe finale. Mais par Raiſon j’entens ici une Faculté