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Page:London - La Croisière du Dazzler', trad. Postif, 1948.djvu/151

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« Allons, vas-y ! Raconte-moi ta petite histoire ! Je te jure que je comprendrai.

— Non ! non ! Inutile ! Tu ne pourrais pas comprendre.

— Puisque je te dis que si ! Voyons, parle ! »

Frisco Kid avala sa salive et hocha la tête.

« Non, jamais je ne pourrai te dire ça ! Je me sens incapable de m’exprimer avec des mots. »

Joë lui tapota l’épaule d’une main rassurante, et son camarade poursuivit :

« Eh bien, voici. J’ignore tout de la vie qu’on mène à terre, des gens, des choses : je n’ai jamais eu ni frères, ni sœurs, ni compagnons de jeux. Jusqu’ici, je ne m’en souciais guère, mais au fond je souffrais de mon isolement. — Il posa la main sur son cœur. — As-tu jamais eu réellement faim ? Voilà à peu près ce qui me tourmentait… Seulement c’était une autre espèce de faim, dont la nature m’échappait. Lorsqu’un jour, oh ! beaucoup plus tard, le hasard m’a fait mettre la main sur une revue et mes yeux sont tombés sur cette image… Oui, ce groupe des deux jeunes filles et du jeune garçon en train de bavarder. Alors, j’ai envié leur bonheur et je me suis demandé ce qu’ils pouvaient bien se raconter et j’ai découvert aussitôt que le mal qui me rongeait, c’était la solitude.

« Mais, par-dessus tout, je pensais à la jeune fille dont on voit le visage. Ma pensée ne la quittait pas ; bientôt elle est devenue à mes yeux une créature en chair et en os. Ce n’était qu’une illusion et je n’en étais pas dupe ; et pourtant, je m’y laissai prendre. Chaque fois que je songeais aux hommes, au