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Page:Londres - Pêcheurs de perles, 1931.djvu/135

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PÊCHEURS DE PERLES

Et, me dressant un peu, je tendis mon bras vers la mer : « Pas un bateau, regarde, ô Altesse ! »

Le plus jeune des commensaux toucha sa joue droite en me souriant. Il était aisé de comprendre qu’il m’apprenait que ma propre joue était creuse. J’avais maigri. Je le savais. Comment s’en était-il rendu compte, lui qui venait de me connaître ? Il me signifiait que je n’avais pas de boule de kat de ce côté, et dans un effort long et pénible, il me passa six feuilles.

L’émir avait regagné son paradis artificiel. Ses courtisans, eux, n’avaient point quitté le leur, broutant tout le temps et broutant encore et me regardant sans me voir avec des yeux de gazelles naturalisées.

Nous sortîmes.

La nuit était venue sur Hodeidah. À chaque carrefour, un flambeau brillait, et tout autour les Yéménites reposaient sur des lits de cordes, les joues gonflées de la feuille des saints. Comme de fines colonnes, de hauts narguilés s’élevaient entre les lits. Le silence partout régnait. Voyant deux étrangers arrêtés par le spectacle, ils les invitaient. On nous tendait du kat, on nous offrait une place. Étions-nous si pauvres, que nous rôdions en-