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Page:Longfellow - Évangéline (trad. Poullin), 1911.djvu/73

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évangéline

dans ces lieux, n’était interrompu que par les hérons qui, au coucher du soleil, regagnaient leurs perchoirs à la cime des cèdres, ou par le hibou qui saluait la lune de son rire diabolique. Une douce lumière rayonnait sur la surface des eaux et sur le feuillage des cyprès et des cèdres, filtrant à travers les arceaux de verdure comme par les fentes d’une ruine.

Tout ce qui entourait les voyageurs était nouveau pour eux ; toutes ces choses leur paraissaient confuses et étranges comme dans un rêve ; une impression de tristesse envahissait leur âme, comme le présage d’un malheur invisible et qu’ils ne pouvaient définir. Semblable au craintif mimosa qui ferme ses feuilles au son lointain des pas d’un cheval sur le gazon des prairies, leur cœur se resserrait, assailli de pressentiments lugubres, Évangéline, cependant, se sentait soutenue par une vision qui s’imposait à son esprit ; elle se berçait de l’idée que Gabriel avait passé avant elle sous ces voûtes ténébreuses, et que chaque coup d’aviron la rapprochait de lui.

À ce moment, un des mariniers se leva, et sonna vigoureusement dans sa trompe, comme pour avertir les autres voyageurs que le hasard pouvait avoir