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Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/140

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Le Comte.

Je vous dis que oui.

L’Infant.

Allons, Valerio, je trouverai aisément de quoi m’équiper au village voisin.

Le Comte.

Dépêchez-vous. Sous ce déguisement et à la brune, on ne vous reconnaîtra pas.

L’Infant.

Je te retrouverai ici ?

Le Comte.

Non, mon cher seigneur, je vous suis.

L’Infant.

N’y manque pas.

Le Comte.

Foi de Martin !

L’Infant.

Bien vrai ?

Le Comte.

Je l’ai juré.

L’Infant et Valerio sortent.
Le Comte.

Quelle étrange aventure ! A-t-on jamais vu un malheur égal au mien ? Obligé de quitter mon pays par suite d’un amour fatal, celui qui m’a contraint à m’exiler, mon rival puissant me rencontre en ces lieux et me demande de le mener vers celle que j’aime et dont sa jalousie me sépare !… Celia, vous me pardonnerez. Il ne m’était pas possible de me refuser à ses désirs sans péril pour vous et pour moi. Vous me pardonnerez ; et vous ne serez pas surprise, vous ne serez pas irritée que je conduise vers vous celui que je déteste, l’auteur de nos chagrins. Vous me pardonnerez ; et si le ciel permet que je vous entretienne un moment à l’abri des regards de mon ennemi, vous consentirez à me donner une douce parole et votre main plus douce encore ! — Quelle bizarre aventure ! un infant et un comte rivaux qui vont ensemble chez leur maîtresse sous le même déguisement, tous deux vêtus en meuniers !


Entrent MELAMPO et LAURA.
Laura.

Il m’attend par ici, dis-tu ?

Melampo.

Oui ; c’est auprès de ces chênes que je lui ai confié mon désespoir et qu’il m’a rendu le courage.

Laura.

Ah ! te voilà, Martin ! Qu’y a-t-il donc de nouveau, que tu m’appelles ?