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Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/146

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La Duchesse.

Que signifie, Prospero, votre langage à cette heure ?

Le Comte.

Parlez bas et contenez-vous. M’ayant vu ici l’autre jour, ce perfide m’a cherché pour venir déguisé vers vous. Dieu sait, ma Celia, si j’en ai été affligé ! Mais enfin je n’ai pas pu refuser, et je l’amène pour qu’il vous parle.

La Duchesse.

Qui eût cru pareille chose ?

Le Comte.

Ma destinée l’a voulu.

La Duchesse.

Dites-moi, mon bien, comment vous trouvez-vous ?

Le Comte.

À merveille et délicieusement quand je vous vois.

L’Infant, à part.

Oh ! qu’il tarde, ce vilain !

Le Comte.

Mettez-vous là devant moi, ma chère vie, afin que je prenne votre main.

La Duchesse.

La voici.

Le Comte.

Permettez que je la baise.

L’Infant, à part.

Oh ! qu’il tarde, ce meunier !

La Duchesse.

J’oublie en votre présence des chagrins mortels.

Le Comte.

Y aurait-il quelque chose de nouveau ?

La Duchesse.

Le roi a conçu pour moi un fatal amour, et il veut me prendre pour épouse.

Le Comte.

Dieu ! mais quelle est votre pensée à ce sujet ?

La Duchesse.

Quelle que soit la folie du roi, quel que soit l’excès de sa passion, ne craignez pas que jamais je renonce a vous.

Le Comte.

Je compte, mon bien, sur votre amour.

La Duchesse.

Tout ce qui n’est pas vous ne m’inspire qu’indifférence et dédain.

Le Comte.

Alors vous traiterez de même ce perfide qui est là.