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Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/196

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LE CHIEN DU JARDINIER.

Théodore.

Oui, mon pauvre Tristan, si l’on l’a dit que j’étais cruellement désabusé.

Tristan.

J’avais bien vu les deux importuns établis chacun dans un fauteuil et tenant la dame entre deux feux, mais je ne savais pas qu’elle eût fait un choix.

Théodore.

Oui, Tristan, j’ai vu venir tout à l’heure cet héliotrope inconstant, cette mobile girouette, ce prodige d’instabilité, en un mot, cette femme, cette femme enchanteresse qui veut me perdre pour déshonorer sa victoire ; et elle m’a ordonné de lui dire lequel des deux je préférais, car elle ne voulait pas se marier sans avoir mon avis. Je suis demeuré étonné, confondu, ayant tellement perdu le sens, que je n’ai pas même eu la force de répondre des folies. Elle m’a dit enfin que son choix s’arrêtait sur le marquis, et c’est moi qu’elle a chargé de lui en porter la nouvelle.

Tristan.

Ainsi donc elle se marie ?

Théodore.

Avec le marquis Ricardo.

Tristan.

Que vous disais-je ?… Si je ne vous voyais pas dans un si triste état, si je ne craignais pas d’affliger un homme au désespoir, j’aurais beau jeu à vous railler, je vous demanderais ce qu’est devenu votre titre de comte.

Théodore.

Hélas ! Tristan, je me meurs.

Tristan.

À qui la faute ?

Théodore.

J’en conviens, j’ai cru trop facilement aux regards d’une femme.

Tristan.

Je vous l’avais bien dit cependant, il n’y a pas de vase de poison qui soit plus dangereux que les yeux de ces ingrates.

Théodore.

Je suis si honteux d’avoir été pris au piège, que j’ose à peine lever les miens. — Enfin, le grand moment est passé, et ce que j’ai de mieux à faire, c’est d’oublier mes espérances et mon amour.

Tristan.

Et de revenir repentant à Marcelle.

Théodore.

La voici ; la paix sera bientôt faite.


Entre MARCELLE.
Marcelle, à part.

Qu’il est pénible de feindre un amour qu’on ne sent pas ! qu’il