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Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/261

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Vive Dieu ! je vais… Je mourrai du moins, si je ne réussis à autre chose.

Nuño.

Arrête, Sanche.

Pélage.

Pardieu ! si je rencontre ses pourceaux dans le pré, je les assomme à coups de pierres, fussent-ils entourés de gardes.

Nuño.

Allons, mon fils, appelle la raison à ton secours.

Sanche.

Eh ! mon père, suis-je en état de réfléchir ? Vous m’avez donné un conseil funeste, donnez-m’en un bon à présent.

Nuño.

Demain nous irons parler au seigneur don Tello. C’est une étourderie de jeunesse, et je suis persuadé que déjà il s’en repent. Je te réponds d’Elvire : ni menaces ni prières, rien ne pourra la faire céder.

Sanche.

Je la connais, et je le crois… Hélas ! je meurs d’amour, je succombe à la jalousie. À quel homme est-il jamais arrivé un semblable malheur ? Et dire que c’est moi qui ai conduit sous mon toit le loup cruel qui m’a ravi mon innocente brebis !… J’avais donc perdu l’esprit ; car les cavaliers riches et puissants n’apportent jamais que du malheur dans la maison des pauvres… Il me semble voir son beau visage couvert des perles qui tombent de ses yeux éplorés, tandis qu’elle défend son honneur. Il me semble, — pensée douloureuse ! — il me semble que je l’entends gémir et repousser son tyran. La voyez-vous ? elle s’enveloppe de ses cheveux comme d’un voile pour ne pas lire dans ses regards les infâmes désirs qu’il éprouve… Ah ! Nuño, laissez-moi ; la vie m’est odieuse… Je ne sais plus ce que je dis… Hélas ! je me meurs d’amour, je succombe à la jalousie.

Nuño.

Allons, Sanche, mon enfant, du courage.

Sanche.

J’imagine, je crains des choses dont la seule idée me bouleverse, malgré moi, jusqu’au fond de l’âme. Enseignez-moi la chambre d’Elvire.

Pélage.

Et à moi la cuisine ; car, avec toutes ces aventures, je n’ai pas soupé et je meurs de faim.

Nuño.

Entre et repose jusqu’à demain. Don Tello n’est pas un barbare.

Sanche.

Hélas ! je meurs d’amour, je succombe à la jalousie.