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Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/278

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Tello.

S’il n’a point uni vos mains, il n’y a point de mariage.

Sanche.

Je ne discuterai pas en ce moment s’il y a eu ou non mariage… Voici du roi pour vous une lettre. — Toute l’écriture est de sa main.

Tello, à part.

Je tremble de rage. (Il lit.) « Sitôt la présente reçue, vous rendrez, sans réplique, à ce pauvre laboureur la femme que vous lui avez enlevée. Souvenez-vous que c’est loin des yeux du roi que l’on reconnaît les bons vassaux, et qu’un roi n’est jamais loin pour châtier les méchants. Moi, Le Roi. » (Parlant). Qu’as-tu porté là, malheureux ?

Sanche.

Je vous ai porté, seigneur, cette lettre que le roi m’a donnée.

Tello.

Vive Dieu ! je suis étonné de ma patience. Penses-tu, vilain rustre, que ton audace m’inspire de la crainte ? Sais-tu qui je suis ?

Sanche.

Oui, seigneur, et c’est pour cela, c’est comme preuve de ma confiance en vous, que je vous ai porté cette lettre. Cette lettre, je ne vous l’ai pas remise par bravade ; je la considère seulement comme une recommandation du roi pour que vous me rendiez mon épouse.

Tello.

Oui, je respecte le roi… Autrement, toi et celui qui t’accompagne, je vous…

Pélage.

Quoi ! moi aussi !… Saint Blaise ! Saint Paul !…

Tello.

Je vous ferais pendre aux créneaux de mon château.

Pélage.

Grand merci ! ce n’est pas ma fête aujourd’hui.

Tello.

Mais sortez, sortez au plus tôt, et ne demeurez pas plus longtemps sur mes terres ; sans quoi je vous fais mourir sous le bâton. — Les scélérats ! les insolents !… des hommes de cette espèce oser s’attaquer à moi !

Pélage.

Sa seigneurie a raison, et nous avons eu tort de venir l’ennuyer.

Tello.

Vilains rustres, s’il m’a plu de vous enlever cette femme, je suis qui je suis ; et ici je commande, ici je règne comme le roi don Alphonse en Castille. Ce n’est pas à ses aïeux que les miens furent redevables de ces terres. Eux-mêmes les conquirent sur les Maures.