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Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/29

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mun, on l’entendit exprimer le souhait d’une mort prompte. Ces vœux ne devaient pas tarder à être exaucés.

Le vendredi, dix-huitième jour du même mois (il avait composé la veille un sonnet sur la mort d’un gentilhomme portugais), il se leva de grand matin, à son ordinaire, célébra sa messe, arrosa son jardin, et quoiqu’il fût indisposé, il ne voulut ni enfreindre le jeûne ni s’exempter de la discipline. Dans la soirée, il sortit pour assister à des thèses de médecine et de philosophie que l’on devait soutenir au collége des Écossais. Là il se trouva mal, et l’on fut obligé de l’emporter chez lui. Il se mit au lit. On le purgea, on le saigna, inutilement. Le dimanche 20, sur le soir, d’après le conseil du médecin du roi, qui était son ami, Lope demanda les derniers sacrements, qui lui furent administrés. La triste cérémonie terminée, il envoya chercher sa fille Feliciana et lui donna sa bénédiction. Il fit ensuite ses adieux à ses amis, leur tenant les discours les plus pieux, leur recommandant la paix, la concorde, la charité. « La véritable gloire, disait-il à Montalvan, est dans la vertu, et je donnerais volontiers tous les applaudissements que j’ai reçus pour avoir fait une bonne action de plus. » Puis, se tournant vers une image de Notre-Dame d’Atocha, à laquelle il avait une dévotion particulière, il pria la Vierge de lui continuer sa protection, et puisqu’elle tenait dans ses bras celui qui devait le juger, de l’intercéder en sa faveur. Il était épuisé : on le laissa. Il passa une nuit très-agitée. Le lendemain lundi, bien qu’il eût conservé la plénitude de ses facultés, il pouvait à peine s’exprimer distinctement, et ses amis ne voyaient que trop que le moment solennel était venu. Agenouillés dans sa chambre, ils priaient et pleuraient. Un religieux prodiguait au malade de pieuses exhortations. Lui, les yeux levés vers le ciel, les lèvres appuyées sur un crucifix, il écoutait dans un saint recueillement, quand tout à coup on entendit une voix mourante prononcer faiblement les noms de Jésus et de Marie. Le grand poëte avait cessé de vivre.

Les funérailles furent magnifiques. Le duc de Sessa, que Lope avait nommé son exécuteur testamentaire, se montra digne d’une si haute marque de confiance. Mais ce qui honorait bien mieux la mémoire du défunt, ce fut l’empressement des Espagnols de toutes les classes. Tout ce qu’il y avait