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Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/154

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Le Soldat.

Calmez-vous, seigneur. Songez qu’ils se sont donnés au roi, et dans les circonstances présentes vous devez prendre garde d’offenser le roi.

Le grand Maître.

Comment ont-ils pu se donner au roi s’ils appartiennent à la commanderie ?

Le Soldat.

Vous pourrez faire valoir vos droits contre Ferdinand.

Le grand Maître.

Jamais procès lui a-t-il ôté ce qu’il avait une fois entre ses mains ? — Ferdinand et Isabelle sont mes souverains, je le reconnais, et puisque les séditieux se sont donnés au roi, je mettrai un frein à ma colère. Je vais le trouver ; c’est le plus sûr parti ; et encore que j’aie commis une faute grave, ma jeunesse me servira d’excuse. Cette démarche ne laisse pas que de me coûter ; mais l’honneur la commande, et je ne dois point mettre de retard dans une chose qui importe autant à ma gloire et à mes intérêts.

Ils sortent.



Scène VII.

La place de Fontovéjune.


Entre LAURENCIA.
Laurencia.

Quelle peine cruelle pour un cœur épris de craindre pour l’objet aimé ! — d’autant que celui qui redoute un malheur pour ce qu’il aime, sent augmenter son amour avec sa crainte. — Plus l’amour est dévoué, plus il est capable d’éprouver d’inquiétudes. Il n’est point de peine légère pour une véritable affection, et les moindres soupçons deviennent d’horribles angoisses. — J’adore mon époux ; et les circonstances où nous sommes me condamnent à trembler pour lui, à moins que le destin ne le favorise. — Sans cesse combattue entre mon amour et mes craintes, — s’il demeure ma peine est certaine, et s’il s’éloigne je meurs de douleur[1].


Entre FRONDOSO.
Frondoso.

Ma chère Laurencia !

Laurencia.

Ô mon époux bien aimé ! comment oses-tu rester ici ?

Frondoso.

C’est mon amour qui m’empêche de t’obéir.

Laurencia.

Mets-toi bien sur tes gardes, ô mon ami !… J’ai peur !

  1. <Dans l’original ce monologue forme un sonnet.