et une âme, et que je diffère essentiellement des femmes par la barbe et par le courage. Voilà pour moi. Quant aux femmes, il en est aussi de plusieurs espèces. Il y a d’abord la femme en général. Puis la femme se divise en demoiselles et en dames. Il y a des demoiselles qu’on appelle ainsi parce qu’elles ne sont pas mariées. Il y a de véritables demoiselles. Il y a même d’autres demoiselles. De même il y a des dames de plusieurs espèces ; et c’est pour cela que je vous demande à quelle espèce appartient votre maîtresse.
Elle est une dame belle, spirituelle, et pardessus le marché, remplie d’honneur.
Et que cherche-t-elle par ici ?
Des nouvelles d’un sien frère qu’elle a perdu.
Vous ne songez donc pas que vous vous exposez ?
Nullement.
Si fait.
À quel péril ? Est-ce que nous ne sommes pas en sûreté sur la terre ?
Oui, vous le croyez ; mais la mer peut franchir d’un moment à l’autre les limites que la nature et l’art lui ont imposées, s’élancer vers vous deux en rugissant, et vous emporter comme des merluches fugitives.
Vilain drôle !
Moi, vilain ?
Taisez-vous ! Il vous sied bien de faire l’Espagnol avec moi !
Je vous proteste, mon bien, que je me rends.
Cette assurance m’enivre de joie et d’orgueil.
Quel est votre nom ?
Lucindo.
Il me plaît infiniment[1].
- ↑ Mot à mot : « Il n’est pas extraordinaire que vous m’enflammiez, puisque vous avez un nom formé de lumière. » Parce que Lucindo vient de lux, lumière, flambeau.