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Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/218

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beau vanter notre fleuve, notre Alcazar[1], nos rues, nos guerriers, nos richesses… il faut toujours finir par avouer que notre plus grande merveille c’est la Belle aux yeux d’or.

Henri.

En effet, j’ai beaucoup entendu vanter sa beauté et ses talents.

Le grand Maître.

C’est tout ce qu’il faut admirer ici.

Henri.

Allons, grand maître, saluons tous deux ce balcon. — Quand bien même ce ne serait pas de ma part un hommage à la réputation de cette dame, — je le ferais rien que pour vous être agréable.

Théodora, à Dorothée.

Rendez à l’infant son salut.

Dorothée.

Que Dieu garde votre altesse !

Henri.

Quelle beauté ! Il me semble qu’elle m’enchaîne à cette place.

Le grand Maître.

Ne vous arrêtez pas. Nous aurons d’autres occasions. Le roi attend, et nous devons nous hâter d’aller lui baiser les mains.

Ils s’en vont après avoir salué.


Entre DON JUAN.
Don Juan.

Belle Dorothée, vous êtes une sirène. Séville offre beaucoup de choses dignes d’admiration, et c’est vous seule qui avez le privilége de fixer les regards d’un prince. On ne peut passer dans la rue que vous habitez sans y rester enchaîné. La vue et l’ouïe, vous enchantez à la fois tous les sens, et près de vous le sage Ulysse lui-même aurait perdu sa prudence.

Dorothée.

S’il est vrai que je sois une sirène dont les charmes exercent tant de pouvoir sur un monarque, don Juan, vous n’en devez être que plus glorieux. Mon triomphe relève l’éclat du vôtre. J’enchaîne, dites-vous, un grand prince ; et vous, vous m’avez enchaînée pour la vie.

Don Juan.

Je voudrais bien que dame Théodora me permît de vous répondre.

Théodora.

Et moi je voudrais bien voir finir au plus tôt vos amours.

Don Juan.

Et pourquoi ?

Théodora.

Nous n’avons rien à vous reprocher, je le sais… Mais la pauvre

  1. Palais de Séville, construit par les Maures.