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Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/226

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Dorothée ?… Mais moi est-ce que je ne pourrais pas la voir ?… Voudriez-vous vous charger d’un message pour elle ?

L’Écuyer.

Au premier mot je serais un homme mort.

Henri.

Rendez-moi ce service ; et si elle vous chasse… celui qui a perdu une chose et qui en trouve une meilleure n’a rien à regretter.

L’Écuyer.

C’est juste.

Henri.

Je ferai en sorte que le roi vous nomme gouverneur de l’Alcazar.

L’Écuyer.

Portier seulement, et je n’en demanderais pas davantage. Mais en attendant la récompense, je vais mettre mon honneur en péril, et je suis un hidalgo de première volée[1].

Henri.

Je consens à tout.

L’Écuyer.

Il faut que votre altesse le sache bien : je suis Cueva, Arjona, Mendez, Lopez, Xuarez, Fañez, Benavidez, Santivañez, Cordova, Enriquez, Cardona, Sanchez, Vasquez et Loyola[2]. Dans mon pays, seigneur, j’occupe une grande place.

Henri.

Comment cela ?

L’Écuyer.

Avec ma signature.

Henri.

Oui, je crois que vous êtes bien né ; cela se voit à votre mine.

L’Écuyer.

Mon malheur a voulu que je fusse obligé de servir, moi qui étais destiné à être servi. Hélas ! mon aïeul possédait dans la Montagne[3] un manoir dont le roi d’Espagne aurait pu faire sa maison de plaisance.

Henri.

Ne vous affligez pas. Soyez raisonnable… un gentilhomme doit l’être. — Êtes-vous d’une maison connue ?

L’Écuyer.

Mon aïeul était cordonnier.

Henri.

Peste ! vous ne pouvez pas vous laisser marcher sur le pied[4]. — Ce vieillard est de bonne humeur. — Mangez-vous bien, l’ami ?

  1. Que soy muy hidalgo.
  2. Le poëte semble avoir voulu se moquer ici de cette multitude de noms que prend dans les actes publics la noblesse espagnole.
  3. Dans les Asturies.
  4. Nous avons reproduit de notre mieux une grâce de l’original.