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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/127

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comme les autres, et, sa casquette à la main, l’être se tenait debout, à quelques pas de nous, un peu au-dessous de la rampe enlierrée, dans la poussière du chemin.

« Mourienne, passez donc chez le contremaître Abel et dites-lui de venir me parler à la villa, ce soir même. »

« Oui, monsieur Williams, j’y passerai. Comptez sur moi. »

Et l’homme, s’étant incliné, remettait sa casquette et rejoignait, lui d’un pas jeune et leste, la débandade traînassante des autres ouvriers.

Grand, les épaules larges et la taille svelte, le gaillard était, ma foi, simple et bien découplé ; maigre, mais d’une maigreur de gymnasiarque sous un minable maillot de coton blanc rayé, le cou fort et la face énergique éclairée d’une blonde et frisante moustache. Je n’avais vraiment vu de ses traits encrassés de suie que les yeux, deux yeux d’un bleu profond d’une tristesse infinie, des yeux comme étouffés, des yeux qui se souviennent et voudraient oublier, les yeux du paysan à la fenêtre d’une usine, les pitoyables yeux de ceux qui