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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/268

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blanc, comme enseveli sous un tapis de cygne.

Ô la délicatesse de ces grilles de tombe et de ces noires frondaisons d’arbustes persistants, à peine soulignes d’un fin liseré de givre ; la ville est toute voisine et l’on n’entend rien, ni bruit d’atelier, ni cloche d’usine ; les tumultes épars, les cris, les rumeurs, la neige vacillante les étouffe, les éteint dans sa chute légère et cependant si lente ; tel un effeuillement de larges pétales, immaculés et blancs sur la mer apparue d’un noir d’encre entre les hautes falaises, immaculés et blancs dans la détresse du ciel assombri.

Mais la cérémonie est achevée, une débandade de gros pardessus d’hiver comme poudres à frimas se hâte à travers le cimetière ; à l’entrée les membres de la famille hiérarchiquement rangés, habit noir, tête nue, secouent, en grelottant, la main de chaque invité qui s’incline, gonflé de condoléance, confit en componction.

Le frère de Jacques est d’une pâleur verte qui verdit encore sous ce ciel malade ; c’est bien la pâleur des gelés de la retraite de Russie et des atroces douleurs.