Aller au contenu

Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’autre vision était celle-ci, plus récente : Suzanne déjà morte depuis dix mois au moins ; nous nous étions, une bande d’amis noctambules, échoués cette nuit-là aux Halles, au grand Soulas, ou quelque autre restaurant de nuit.

Devant le comptoir, des blouses de maraîchers, un foulard mis en mentonnière sur les oreilles, buvant des grogs et des punchs avec des voix de rhume, rouillées et rauques ; par l’escalier en vrille, drapé de serge verte, des bouffées de valse jouées par un doigt d’homme ivre.

Dans la salle voisine, séparée du comptoir par un boxe, une scène amusante : un client furieux, assisté d’un sergent de ville et du patron de l’établissement, faisait retirer ses bas de soie à une fille.

La créature, rôdeuse de restaurant de nuit, était venue trouver cet homme dans le cabinet où il soupait ; pour s’en débarrasser, le client, un négociant de province, avait fouillé dans son gousset et donné vingt sous à cette mendiante de bocks ; or, en soldant son addition, mon provincial n’avait retrouvé son compte ; subitement dégrisé,