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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/80

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nuit en sursaut, et l’autre, la svelte, la blonde et charmante jeune femme, si mélancolique et si tendre, cette anonyme lady Mordaunt, dont la beauté avait révolutionné mon enfance et l’opinion de toute une petite ville, une tombe, sans même un nom… Hélène, rien que Ci-git Hélène, un cercueil pourrissant en terre étrangère, sans amis, sans parents, parmi les inconnus et, dans cette bière pas même un cadavre intact, un squelette déshonoré, décapité et sa tête ailleurs, on ne sait où, voyageant peut-être à travers le monde dans la valise à secret d’un touriste monomane.

Maintenant que j’ai remué d’une main lasse et bien plus attristée la poussière encore moite de sang de cette histoire mélancolique, peut-être comprendra-t-on pourquoi Sonyeuse est encore à vendre, à vendre après trente ans révolus sur ce drame, pourquoi depuis je n’ai jamais voulu franchir la grille du grand parc endormi dans ses frondaisons noires.

J’aurais peur d’entendre des pas y résonner en appel sur mes pas, peur d’éveiller l’écho et les voix du passé.