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Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/100

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Nelly, assise à l’avant de la barque et ramant doucement et poussant le bateau, tandis que nage à lentes et souples brassées mon regretté ami Serge ; la lune les baigne tous deux comme d’une gaze de lumière, argentant le torse de Serge hors de l’eau et le corsage blanc de Nelly dans sa barque ; ils sont très beaux tous deux, ils vont ainsi une heure se regardant dans les yeux, se souriant l’un à l’autre ; puis Serge se fatigue, peu à peu il s’essouffle, il voudrait remonter, il dit à Nelly : « Arrête », Nelly ne l’entend pas, la lèvre souriante, le regard dans le sien, elle rame doucement et le bateau fuit toujours ; Serge, d’abord, croit qu’elle plaisante… La barque fuit imperceptiblement et dans le sillon qu’elle laisse Serge se débat et s’enfonce ; autour d’eux la nuit claire, la mer transparente trempée de lune, immense ; à l’horizon les collines violettes de Capri. Quelle belle nuit pour mourir ! Serge a compris, il bat la vague, il râle, de l’eau déjà plein la bouche, mais les yeux fixés sur les yeux de Nelly ; devant lui la barque oscille. Elle sourit toujours appuyant sur la rame, et l’eau mugit dans les oreilles de Serge agonisant, qui se cramponne en vain à l’écume des vagues et coule dans l’ombre verte et lu-