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Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/108

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mais pu citer le nom d’un amant au milieu de tant de fortunes et de couronnes princières prosternées autour d’elle : le cœur était comme la voix, sans fêlure ; et tout chez cette femme, réputation, tempérament, talent, avait le froid éclat, la dure transparence et d’un glaçon et du cristal.

Elle s’était mariée cependant, mais sans amour ; par ambition peut-être ? Et encore avait-elle enrichi son mari, un ex-beau des Tuileries sous l’empire, un cité des battues de Compiègne et des saisons de Biarritz, retombé depuis à la cour d’Italie après les désastres et Sedan.

Alors pourquoi plutôt celui-là qu’un autre ! Oh ! tout simplement parce qu’elle aimait passionnément sa fille, oui la fille du marquis ; car cet homme était veuf, veuf avec une enfant charmante, de quatorze ans à peine, une Italienne de Madrid (car la mère était Espagnole), une tête ronde d’archange de Murillo aux grands yeux noirs humides et rayonnants, une grenade ouverte sur la bouche, et dans le regard et dans le sourire toute la gaieté amoureuse, enfantine, instinctive des pays du soleil.

Mal élevée, à la diable, par ce veuf qui l’ado-