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Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/204

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surtout. Alors je prends mon chapeau, je sors, je vais à Paris, n’importe où, dans le premier mauvais lieu, et j’oublie…

« J’oublie… j’essaie d’oublier.

« Ces filles, ce sont des matelas de chair assez commodes en somme, et quand on peut dormir auprès, c’est autant de gagné sur la vieillesse et les mornes chagrins quotidiens. Or, comme j’ai chez moi une malade affinée et amaigrie, je prends de préférence des belles filles robustes et rebondies à la croupe ferme, aux seins crêtés et droits. Or, il y a un mois, j’étais chez l’une d’elles, vous la connaissez d’ailleurs, Lucy Margat. Vers deux heures du matin, mes sens enfin calmés et la corvée finie, je me trouvais soudain dressé sur mon séant, le cœur soulevé à la hauteur des lèvres par un immense dégoût, un dégoût de cette fille et de moi ; comme une odeur de pourriture humaine montait de cette alcôve luxueuse et banale de coucheuse à cinq louis.

« Penché sur elle, je la regardais dormir : étalée au travers du lit, le visage enfoui dans l’oreiller et comme écrasé dans le désordre de sa lourde chevelure, elle ronflait, les cuisses écartées, sur le ventre, et la rondeur de sa croupe