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Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/24

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qu’en la mettant dans la mienne elle s’offrait nue et se donnait toute à moi ! Fût-ce la coïncidence du singulier sourire, dont toute sa bouche alors se retroussa, ou l’effet du long regard complice dont le rayonnement bleu tout à coup m’enveloppait, mais je sentis toute ma chair se soulever et aller vers elle : dans cette simple poignée de mains elle avait repris entière possession de mon être, annihilé ma volonté, étouffé ma conscience, ma haine, mes remords ; et comme un air plus pur, plus vif circulait maintenant autour de moi, activait le mouvement de mon sang, le battement de mes artères : la brise marine ou l’éther respiré à hautes doses donnent seuls cette joie de vivre et cette alacrité enivrante.

L’air vivifiant de l’Océan, oui, c’était bien ce que m’apportait sa présence ; une strophe de Baudelaire chanta dans ma mémoire et c’est de cette strophe, qu’elle connaissait bien pour l’avoir lue et relue bien souvent à haute voix ensemble, que je me mis à la saluer :

À la très chère, à la très belle
Qui remplit mon cœur de clarté,
À l’ange, à l’idole immortelle.
Salut en immortalité !