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Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/94

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une anomalie dans ce grand corps, détachait nettement ces mots : « Cette pauvre Nelly, je l’ai beaucoup connue ; avez-vous remarqué ses yeux ? »

La phrase sonnait si étrange dans la bouche de ce colosse généralement indifférent à tout, que tous les sièges avaient fait volte-face dans sa direction, car naturellement nos Parisiens tournaient presque tous le dos à l’Océan et aux vingt kilomètres de fuyantes falaises se dégradant à l’horizon.

— Narisnaskine, celui qui se ruine en ce moment pour elle, est votre compatriote, Michel ? essayait de persifler le petit de Nor-Saluces.

— Oui, il est de Moscou, et aussi mon ami, nuançait lentement le Slave, mais cela ne fait rien, je parle de Nelly. Vous n’avez jamais vu… bien regardé ses yeux, je parierais, n’est-ce pas, marquis ?

— Ses yeux, faisait Saluces interloqué, le moyen de les voir, ses yeux ? elle marche enveloppée dans une moustiquaire ; un kilomètre de tulle et de gaze qui l’engonce et lui fait une figure de nuage. Vous les avez vus, vous, ses yeux ? vous avez de la chance ; il y a longtemps, hein ?