Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/262

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le début d’un jour fugitif quelconque, jour d’un printemps pareil à tous les autres. Elle s’éveillait avec une insouciance de morte, pour l’heure, pour le temps et la durée, — comme du reste pour tout. Sous l’impression d’un écrasement effroyable, mais qui ne se définissait pas bien tout de suite, dans le retour progressif, lent et fatigué de la conscience, elle regardait les choses ambiantes et les voyait comme du fond d’un abîme, comme si elle eût été couchée déjà dans son cercueil. Elle n’espérait plus être le jouet d’un rêve sombre qui passerait ; non, la notion de la réalité d’un malheur infini était maintenant imprimée dans son cerveau. Avant de se mieux souvenir, elle percevait de ses yeux ternes, avec un détachement absolu, le désarroi de quelques pauvres objets, jusqu’ici tant soignés : son lit, couvert de la boue de ses souliers ; jeté sur une chaise là-bas, le chapeau à la plume grise, qui semblait avoir traîné au ruisseau, et sur sa cheminée, son vase le plus précieux, rapporté de la maison de Provence, renversé et brisé,