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Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/91

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rade brumeuse, une école de matelots. La vie saine et rude que l’on mène là, tout le temps dans les grands souffles humides, dans les grands vents d’ouest si âpres à respirer, opère parmi les jeunes hommes, de trempe inégale, une sélection spartiate : élimine les faibles et fortifie les forts.

Jean y avait considérablement développé sa vigueur première. Il était du reste un matelot ponctuel, alerte, énergique, — en même temps que soumis et muet. La discipline de fer ne révoltait pas son indépendance native ; lui, si vite buté contre les pressions individuelles, acceptait ce joug spécial, qui n’est pas blessant par cela même qu’il est impersonnel et uniforme, et qui souvent vient à bout des plus indomptables.

Toujours prompt à la manœuvre, ne se trompant jamais dans le jeu infiniment compliqué des cordages, jamais ne faiblissant en service, il avait toutes les qualités du matelot sans reproche. En outre, il en avait acquis très vite le dandysme spécial : l’élégance dans la tenue réglementaire, la bonne façon de porter le bonnet à pompon