Aller au contenu

Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de célébrité « la Duse », a quitté le théâtre depuis quelques années, comme on sait ; mais elle est venue ici pour ses chers soldats, ses héros du Carso. Elle est magnifiquement patriote. Cela m’enchante d’entendre vibrer, dans les inflexions, pourtant très correctement atténuées de sa voix, son ardent amour pour l’Italie, son admiration pour la France, sa révolte contre l’horreur germanique et contre toute cette barbarie qui a tenté de subjuguer le monde…

Par discrétion, je n’ose pas prolonger, car l’heure approche où les petites lampes bleues vont s’allumer dans la vile qui s’assombrit. Je prends congé de madame Éléonora Duse, avec le regret de me dire que l’entretien sera unique dans ma vie, — car demain je vais reprendre mes tournées sur le front et puis je repartirai pour la France, tandis qu’elle-même va s’occuper de ses théâtres au soleil, où les cours des combattants s’enflammeront pour la victoire. La presque certitude que je ne la reverrai jamais plus, jette comme une ombre de petite mort sur ma fin de journée.