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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/43

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ces péniches innombrables, dont les flottilles assuraient les communications et le commerce, ont été anéanties à la dynamite ; les unes ont piqué au fond de l’eau et ne montrent plus qu’un reste de leur poupe, les autres au contraire dressent leur avant comme si elles s’étaient cabrées avant de mourir. Je franchis ces rivières sur des passerelles, hâtivement improvisées par le Génie, car les Barbares, bien entendu, ont fait sauter tous les ponts, et les berges qui les soutenaient sont bouleversées comme par un cataclysme.

De temps à autre, se profilent en avant de moi sur le ciel des amas de grandes formes étranges, qui de loin feraient songer à des cadavres de monstres entassés pêle-mêle, mais d’où pointent en tous sens des bouts de tuyaux, des pistons, des cornues ; de près, on reconnaît que c’étaient des usines — nos riches sucreries du Nord — pour lesquelles le travail de destruction a été particulièrement soigné ; les murailles de briques gisent en miettes par terre, mais la machinerie, les chaudières, les cylindres, n’ayant pu être pulvérisés, on s’est contenté de les rendre inutilisables et de les brouiller en un