Aller au contenu

Page:Loti - La Maison des aïeules, 1927.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas dû les troubler par notre présence étrangère. Et, ce que je sens bien, c’est que l’ombre triste de ces vieux arbres descend comme un reproche sur ma tête. — Non, ils ne me reconnaîtraient point pour un des leurs, les ancêtres de l’île, et leur maison ne saurait plus être la mienne. Ils avaient la paix et la foi, la résignation et l’éternel espoir. L’antique poésie de la Bible hantait leurs esprits reposés ; devant la persécution, leur courage s’exaltait aux images violentes et magnifiques du livre des Prophètes, et le rêve ineffablement doux qui nous est venu de Judée illuminait pour eux les approches de la mort. Avec quelle incompréhension et quel étonnement douloureux ils regarderaient aujourd’hui dans mon âme, issue de la leur !… Hélas, leur temps est fini, et le lien entre eux et moi est brisé