Aller au contenu

Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bassements des temples, cette boutique de madame L’Ourse est un point où je m’arrête chaque jour, avant d’aller m’isoler là-haut, dans les bosquets des morts. Nous sommes du reste un peu en galanterie, madame L’Ourse et moi : c’était fatal.

Sa maisonnette de bois est noirâtre, caduque comme la rue tout entière, moisie à l’ombre de ces terrasses moussues qui soutiennent les pagodes et la nécropole. À la devanture, sont accrochés quantité de tubes en bambou remplis d’eau, où trempent des fleurs, des feuillages, des fougères, des herbes. — Les Japonais, même du bas peuple, chacun sait cela, nous ont devancés de plusieurs siècles dans le raffinement des bouquets, dans l’art de composer, avec les plantes les plus vulgaires, des gerbes d’une grâce inimitable, dignes de leurs vases aux mille formes.

Avec madame L’Ourse, — qui est dans les âges de madame Prune, autant dire à l’époque de la vie où les femmes sont le plus aimables, — le prix des fleurs se débat toujours longuement, pour le seul plaisir de marchander, en