Aller au contenu

Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout blême avec une barbe comme des algues blanches.


Le soir, à bord, pendant que la neige tombe abondamment du ciel nocturne, je reçois la visite de quelques-uns de mes amis matelots, en quête de renseignements plus précis sur la consternante nouvelle et gardant un vague espoir que je la démentirai peut-être, que je les rassurerai un peu.

En dernier, m’arrive une sorte de géant breton, aux jolis yeux de douceur triste profondément enfoncés sous un front large et têtu. Il allait se marier dans un mois, celui-là, quand le navire, qui semblait destiné à un long séjour en France, a reçu l’ordre imprévu de faire campagne en Chine. À l’annonce du retour, il avait employé ses économies à acheter une pièce de crépon blanc pour la robe de noces, et différents bibelots japonais afin d’orner le logis. Mais maintenant, au milieu de sa consternation enfantine, un des points qui le tourmentent le plus, c’est la crainte que tout cela ne se gâte, pendant deux années, dans le faux--