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Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/205

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temples, perchés dans des coins presque inaccessibles, discrets d’ailleurs, émergeant à peine du fouillis des branches, et voués aux Esprits des bois qui doivent être souverains par là, sur ces côtes si vertes.

Une seule tache, dans l’immense décor souriant ; un peu en arrière de nous, de l’autre côté de la baie, un lieu pelé, horrible et maudit d’où monte un bruit perpétuel de ferraille tapotée ; une bouche de l’enfer qui souffle une haleine noire par mille tuyaux : l’arsenal où se fabriquent nuit et jour les nouvelles machines à tuer.

Madame Prune, continuant de marivauder à son ordinaire, tandis que le piquet de roses pompons s’agitait au-dessus de son opulente coiffure, m’entraînait insensiblement vers sa demeure. Et moi, fasciné comme toujours par ses dents laquées, couleur d’ébène polie, je constatai qu’elles venaient d’être remises à neuf, à mon intention sans doute : de patients spécialistes y avaient introduit de place en place des petits morceaux d’or qui prenaient, sur ce fond noir, énormément d’importance et d’éclat,