Aller au contenu

Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

presque éternelles comme les étoiles, que les hommes de nos jours entretiennent au bord de tous les rivages, nous nous dirigeons d’après ce phare, dans la tourmente où les yeux ne voient que lui ; sur ses indications seules, nous contournons des caps menaçants, qui sont là mais que rien ne révèle tant il fait noir, et des îlots, et des roches sournoises qui nous briseraient comme verre.

Presque subitement nous voici abrités de la fureur des lames, la paix s’impose sur les eaux, et, sans avoir rien vu, nous sommes entrés dans la grande baie de Nagasaki. Les choses aussitôt retrouvent leur immobilité, avec la notion de la verticale qu’elles avaient si complètement perdue ; on se tient debout, on marche droit sur des planches qui ne se dérobent plus ; la danse épuisante a pris fin, — on oublie ces abîmes obscurs, dont on avait si bien le sentiment tout à l’heure.

À l’aveuglette, le grand cuirassé avance toujours dans les ténèbres, dans le vent d’hiver qui siffle et dans les tourbillons de neige ; transis de froid et de mouillure, nous devons