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Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/243

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haut bonnet, à antennes de scarabée, qui se portait jadis à Pékin du temps des empereurs mings, — et qui est du reste le seul emprunt fait par les Coréens aux modes chinoises. Lui, l’Empereur, un visage de parchemin pâle, très souriant, avec des babines grises ; de tout petits yeux mobiles et vifs ; beaucoup de distinction, d’intelligence et de bonté. Le prince au contraire, le masque dur, l’air irrité et cruel, paraissait supporter à peine notre présence ; il nous semblait que tout le temps son père fût obligé de le calmer, d’un regard tendre et suppliant, d’une parole douce prononcée à voix basse, ou bien d’une main caressante qui prenait la sienne pour la reposer sur la petite table et l’y maintenir. Qui dira les drames intimes, peut-être, entre ces deux fétiches soyeux, l’un rouge et l’autre jaune ?

L’Empereur, dont la physionomie s’ouvrait de plus en plus, interrogea l’amiral sur la guerre de Chine, que nous venions de finir, sur nos armements, nos cuirassés, nos torpilleurs, et, après une audience très prolongée qui semblait l’intéresser, nous congédia d’un salut courtois.