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Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/329

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Au fait, s’embrassent-ils entre eux, les Japonais ? Je ne l’ai jamais vu. Même les petites mamans nipponnes, qui sont si tendres, n’ont jamais, en ma présence, mis un baiser sur la joue de leur enfant-poupée.

On appelle à nouveau d’en bas. Elle va quitter Nagasaki tout à l’heure, son petite bagage prêt, ses socques et son parapluie ; impossible de prolonger… Et l’instant de la séparation s’éclaire tout à coup d’une sorte de feu de Bengale, comme pour un effet au théâtre : c’est le soleil couchant qui, au bas de l’horizon, vient d’apparaître dans une déchirure du grand nuage en voûte fermée ; alors les mille tiges des bambous ont l’air d’avoir été soudainement peintes à l’or rouge. Elle se sauve, la mousmé, qui aujourd’hui ne pourra même pas, comme les soirs habituels, risquer les yeux par-dessus l’enclos pour surveiller ma fuite au milieu des tombes. Et, en escaladant le mur, j’arrache cette fois une poignée de capillaires, que j’emporte.

Il y a maintenant un reflet d’incendie sur la montagne des morts, que le soleil illumine en