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Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/68

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Après un grand déjeuner d’officiers, à la table de l’amiral, vite je quitte ma tenue de marin pour retourner à terre, me mêler à la foule japonaise.

Nagasaki, d’un bout à l’autre de ses rues, est enguirlandée d’une manière uniforme. Tout le long des maisonnettes de bois, vieilles ou neuves, court une interminable frange verte, faite de touffes en roseau alternant avec de longues feuilles de fougère pendues par la tige. Et, devant l’entrée de chaque demeure, au cordon qui soutient cette frange, est attachée une pendeloque toujours pareille, qui se compose d’une carapace rouge de homard, de deux coquilles d’œuf et d’un peu de feuillage. Tout cela, paraît-il, est traditionnel, symbolique, inchangeable décoration du premier jour de chaque année.

Entre ces guirlandes ininterrompues, l’agitation souriante de la foule bat son plein, sous le soleil d’hiver ; gentilles mousmés, pâlottes et mièvres, vieilles duègnes aux sourcils rasés, aux dents laquées de noir, se saluent et se resaluent au passage, comme si, de se ren-