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Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/99

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armoire close : c’était un passage de Tristan et Iseult, que j’accompagnais, d’une manière un peu distraite tout d’abord, et que mon serviteur Osman chantait à demi-voix. Par la fenêtre, on voyait les verdures de la rive, dans un effacement gris, des verdures mouillées, des roches mouillées, des feuillages qui se couchaient sous l’averse ; on se sentait entouré d’eau, enveloppé de ruissellements.

Porte fermée, la vie, le remuement, la clameur contenue des six cents hommes, entassés un jour de pluie dans les flancs du navire, vous arrivait bien encore, à travers les cloisons de fer ; mais c’était une symphonie si habituelle que vraiment on l’entendait à peine, on l’entendait même de moins en moins, à mesure que le chant wagnérien vous prenait davantage, que la voix montait, et que s’exaltait l’accompagnement.

Or les paroles disaient : «… dans un pays lointain, dans un pays où règne l’ombre », quand le canon tout à coup est venu ébranler notre maison blindée… Des coups espacés, à intervalles funèbres, ne rappelant pas ces saluts que, dans une escadre comme la nôtre, on