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Page:Loti - Le Mariage de Loti, 1880.djvu/215

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— « Tu reviendras demain ? »

— « Non, dis-je, je pars de grand matin pour la terre de Californie. »

Un moment après, elle demanda avec timidité :

— « Rouéri t’avait parlé de Taïmaha ? »

Peu à peu Taïmaha s’animait en parlant ; peu à peu son cœur semblait s’éveiller d’un long sommeil. — Elle n’était plus la même créature, insouciante et silencieuse : elle me questionnait d’une voix émue, sur celui qu’elle appelait Rouéri, et m’apparaissait enfin telle que je l’avais désirée, conservant avec un grand amour et une tristesse profonde le souvenir de mon frère…

Elle avait retenu sur ma famille et mon pays de minutieux détails que Rouéri lui avait appris ; elle savait encore jusqu’au nom d’enfant qu’on me donnait jadis dans mon foyer chéri ; elle me le redit en souriant, et me rappela en même temps une histoire oubliée de ma petite enfance. Je ne puis décrire l’effet que me produisirent ce nom et ces souvenirs, conservés dans la mémoire de cette femme, et répétés là par elle, en langue polynésienne…

Le ciel s’était dégagé ; nous revenions par une nuit magnifique, et les paysages tahitiens, éclairés par la lune, au cœur de la nuit, dans le