Aller au contenu

Page:Loti - Le Mariage de Loti, 1880.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rablement jeune et enfant ; seulement elle avait pris plus que jamais ce quelque chose qu’en Europe on est convenu d’appeler distinction ; elle avait dans sa petite physionomie sauvage une distinction fine et suprême. Il semblait que son visage eût pris ce charme ultra-terrestre de ceux qui vont mourir…

Par une fantaisie bien inattendue, elle s’était fait admettre au nombre des suivantes du palais ; elle avait précisément demandé d’être au service d’Ariitéa, à laquelle elle appartenait en ce moment, et qui s’était prise à beaucoup l’aimer. Dans ce milieu, elle avait puisé certaines notions de la vie des femmes européennes ; elle avait appris, surtout à mon intention, l’anglais qu’elle commençait presque à savoir ; elle le parlait avec un petit accent singulier, enfantin et naïf ; sa voix semblait plus douce encore dans ces mots inusités, dont elle ne pouvait pas prononcer les syllabes dures.

C’était bizarre d’entendre ces phrases de la vieille langue anglaise sortir de la bouche de Rarahu ; je l’écoutais avec étonnement, il semblait que ce fût une autre femme…

Nous passâmes tous deux, en nous donnant la