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Page:Loti - Le Mariage de Loti, 1880.djvu/261

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tahitienne, — et ce vide qui se faisait là me causait une douleur mystérieuse et profonde ; c’était quelque chose comme si mon frère perdu eût été plongé plus avant et pour jamais dans le néant ; tout ce qui était lui s’enfonçait dans la nuit profonde, c’était comme s’il fût mort une seconde fois. — Et il semblait que ces îles fussent devenues subitement désertes, — que tout le charme de l’Océanie fût mort du même coup, et que rien ne m’attachât plus à ce pays.

— « Es-tu bien sûr, Loti, disait d’une voix tremblante la mère de Taïmaha, pauvre vieille femme à moitié sauvage, — es-tu bien sûr, Loti, des choses que tu viens nous dire ?… »

Je leur affirmai à tous ce mensonge — Taïmaha avait fait ce que font plus d’une incompréhensible Tahitienne ; après le départ de Rouéri, elle avait pris un autre amant européen ; on ne voyage guère, entre le district de Matavéri et Papeete ; elle avait pu tromper sa mère, son frère et ses sœurs, en leur cachant pendant deux ans le départ de celui auquel ils l’avaient confiée, — après quoi elle était venue le pleurer à Moorea. — Elle l’avait réellement pleuré pourtant, et peut-être n’avait-elle aimé que lui,