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Page:Loti - Le Mariage de Loti, 1880.djvu/273

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houi, ta petite amie, dans un district éloigné où ne viennent pas les Européens ; — tu te marieras comme elle, tu auras une famille comme les femmes chrétiennes ; — avec de petits enfants qui t’appartiendront et que tu garderas près de toi, tu seras heureuse… »

Alors et toujours, ce même incompréhensible sourire paraissait sur ses lèvres ; — elle baissait la tête et ne répondait plus. — Et je comprenais bien qu’après mon départ elle serait une des petites filles les plus folles, et les plus perdues de Papeete.

Quelle angoisse c’était, mon Dieu, quand elle, silencieuse et distraite, — à tout ce que je trouvais de suppliant et de passionné à lui dire, — souriait de son même sourire de sombre insouciance, de doute et d’ironie……

Y a-t-il une souffrance comparable à celle-là : … aimer, et sentir qu’on ne vous écoute plus ? — que ce cœur qui vous appartenait se ferme, quoi que vous fassiez ? — que le côté sombre et inexplicable de sa nature reprend sur lui sa force et ses droits ?……

Et pourtant on aime de toute son âme cette âme qui vous échappe. Et puis, la mort est là qui attend ; elle va prendre bientôt ce corps adoré, qui est la chair de votre chair. La mort