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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/120

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des tentes noires, nous donnant presque une impression de pays habité, à nous, qui avions l’habitude d’être seuls. Et des chèvres, des chevreaux, qui ont brouté on ne sait quels imperceptibles aromates, reviennent à leur bercail de laine tissée, conduits par des petites filles.

Elle est étrange, cette heure de tranquillité pastorale, dans un tel lieu — et on frissonne comme à un ressouvenir des plus primitives époques humaines, en écoutant, dans le petit lointain de la plaine fermée, gémir la musette d’un berger.



Après un échange de messages, la confiance s’est établie entre ces voisins et nous. Une petite fille ose même venir jusque sous ma tente offrir du lait de ses chèvres. Elle est bien jolie dans son effarement enfantin et elle ouvre tout grands ses yeux émerveillés ; cette tente, éclairée aux bougies et brodée du haut en bas en couleurs très vives, dépasse peut-être ce que son imagination de bébé sauvage avait su concevoir des splendeurs terrestres.