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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/145

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vision rose — qui est l’effroyable et rigide chaos granitique du désert…

Vers trois heures, sur une petite île voisine du rivage, nos yeux déshabitués des constructions humaines perçoivent avec étonnement les ruines d’une citadelle, aux créneaux noirs, d’aspect sarrasin. C’était autrefois, paraît-il, un couvent de moines solitaires, dans le genre du couvent du Sinaï ; mais depuis cent ans cette retraite a été abandonnée.

La mer se rétrécit toujours à mesure que nous allons vers son extrémité, et la côte de la Grande Arabie se fait de plus en plus proche, sa muraille de granit s’élève aussi haut dans l’air que celle de la rive où nous sommes.

Cette ville d’Akabah, vers laquelle nous marchons depuis six jours, il nous tarde de la voir. C’était jadis l’Eziongaber, où vint débarquer la reine de Saba et d’où les flottes du roi Salomon faisaient voile pour la lointaine Ophir. Plus tard, ce fut l’Ælana des Romains, encore florissante il y a à peine deux mille ans. Maintenant ce n’est même plus un port, les navires, depuis des siècles, en ont oublié le chemin et l’Islam y a jeté son grand sommeil ; ce n’est plus, dit-on, qu’une sorte de vaste caravansérail où les pèlerins de la Mecque campent et s’ap-