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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/183

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encore impérieuse et terrible. Ces gens en haillons qui l’entourent sont des notables de son désert, auxquels il partage notre rançon, en en gardant le plus possible pour lui-même. Et on voit des pièces d’or passer cinq ou six fois de l’un à l’autre, prises et reprises par des mains crispées en griffes.

Ailleurs, les Arabes d’Akabah, qui ont été nos veilleurs de nuit, forment un groupe forcené autour de notre interprète, exigeant une solde exorbitante pour leurs trois nuits de faction. D’autres encore demandent autre chose ; il y a celui qui a prêté son chameau avant-hier pour aller à Pétra, celui qui a écrit la lettre au grand cheik et celui qui a rempli nos barils à l’aiguade… Puis, il en arrive de nouveaux sans cesse, celui-ci pour vendre un mouton, celui-là pour vendre une poule, par force, le fusil à la main, à des prix de ville assiégée. Et toujours, ils enserrent de plus en plus nos hommes, les accrochant par leurs vêtements comme pour les en dépouiller.

L’heure passe, rien n’avance et nos pièces d’or s’en vont.

Aucun des soldats turcs, qui auraient pu nous aider un peu, n’est sorti ce matin de la citadelle. Et le caïmacam, dont nous attendons anxieusement la signature pour le permis de départ, — il dort ! Nous