Aller au contenu

Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et c’est une puissante tribu qui est là campée, une de ces tribus « riches en troupeaux » dont parlent les prophètes.

Les tentes, très basses à cause des vents, sont tout en longueur et alignées sur trois ou quatre rangs, dans l’espace qui ici ne compte pas. Des troupeaux sans nombre paissent alentour ; beaucoup de chamelles allaitent de comiques petits naissants, non encore tondus, à longue laine moutonnée, tenant à la fois de l’autruche et de l’agneau. Et des chèvres noires, mais noires comme de l’ébène vernie ou comme du jais, sont assemblées par centaines, formant partout des amas, des taches violentes sur le désert blanc. Les bergers échangent avec nous des saluts et des baisers dans le vide. Les bergères, craintives, se voilent à notre approche plus impénétrablement, fantômes aussi noirs que les chèvres qu’elles mènent ; un ânon presque toujours se tient près de chacune d’elles, avec, sur le dos, des paniers d’où l’on voit sortir pêle-mêle plusieurs têtes enfantines : bébés amalékites aux yeux de poupée, petits chiens ou chevreaux à longues oreilles qui viennent à peine de naître.

C’est précisément la tribu du cheik Brahim, qui nous quitte avec de grands mercis, sans toutefois nous inviter à nous reposer sous sa tente, inquiet