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Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/131

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Moyennant salaire, ce Barrada professait à bord tous les genres d’exercices en usage parmi les matelots : boxe, canne, chausson, avec la gymnastique par-dessus le marché, et le chant, et la danse. Souple comme un clown ; l’ami de tous les hercules de foire posant chez des sculpteurs ; luttant pour de l’argent chez des saltimbanques.

Au premier rang dans les fêtes de matelots, mais toujours en invité ; buvant beaucoup, mais ne payant pas ; buvant beaucoup, mais jamais trop, et passant au milieu de toutes les bacchanales, aussi droit, aussi souriant, aussi frais.

Il avait à tout des reparties gouailleuses que d’autres n’auraient pas trouvées ; l’accent gascon les rendait plus drôles ; et puis il terminait ses phrases par une espèce de son à lui : un demi-rire qui résonnait dans sa poitrine profonde comme ce rauquement des lions qui bâillent.

D’ailleurs, bon, reconnaissant, serviable pour tous et fidèle à ses amis ; n’ayant jamais qu’une parole et répondant toujours avec la franchise renversante des enfants terribles.

Faisant argent de tout, par exemple, même de sa beauté à l’occasion. Et cela, naïvement, avec sa