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Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/134

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sortir d’entre ces parois courbes, luisantes, verdâtres, près de se refermer.

Une pluie glacée rayait l’air en longues flèches blanches, fouettait, cuisait comme des coups de lanières. Nous nous étions rapprochés du nord, en nous élevant le long de la côte chinoise, et ce froid inattendu nous saisissait.

En haut, dans la mâture, on essayait de serrer les huniers, déjà au bas ris ; la cape était déjà dure à tenir, et maintenant il fallait, coûte que coûte, marcher droit contre le vent, à cause de terres douteuses qui pouvaient être là, derrière nous.

Il y avait deux heures que les gabiers étaient à ce travail, aveuglés, cinglés, brûlés par tout ce qui leur tombait dessus, gerbes d’écume lancées de la mer, pluie et grêle lancées du ciel ; essayant, avec leurs mains crispées de froid qui saignaient, de crocher dans cette toile raide et mouillée qui ballonnait sous le vent furieux.

Mais on ne se voyait plus, on ne s’entendait plus.

On en aurait eu assez rien que de se tenir pour n’être pas emporté, rien que de se cramponner à toutes ces choses remuantes, mouillées, glissantes d’eau ; — et il fallait encore travailler en l’air sur